Communauté apostolique Saint-François-Xavier

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Témoignage Marie-Do

L'avenir me semblait relativement simple. Elevée dans les Alpes, je n'avais qu'une idée : y repartir après mes études faire « quelque chose » dans une école de campagne. J'y avais été très heureuse, enfant. C'était sûr, « le bonheur était dans le pré »...

Il en fut tout autrement ! Tandis que j'étais étudiante en lettres à Paris, on fit appel à des jeunes pour faire du catéchisme en banlieue. Il s'agissait d'une cité en pleine construction : le quartier de l'Etoile à Bobigny. Avec quelques amies, nous nous sommes proposées avec entrain. Les enfante étaient nombreux - une soixantaine - et le Père était seul. Il nous accueillit avec beaucoup de bonté et nous donna à chacune un groupe de six ou sept enfants. C'était loin, mais nous étions très attachées aux jeunes qui nous emmenaient le soir voir leur famille. Un soir d'hiver - il faisait bien noir car je m'étais attardée dans une famille - je revenais seule et en franchissait la passerelle qui surplombait la ville, je fus saisie par toutes ces lumières qui brillaient de tous côtés. Des familles vivaient derrière chacune d'elles, nombreuses sans doute, comme celles que nous connaissions. Je 'sentis' une voix qui me disait très nettement : « Qui s'occupera d'eux ? » Elle me traversa le cœur car elle résumait en quelque sorte les questions que je me posais sur l'avenir humain et spirituel de tous ces enfants. Le froid gagnait et je me hâtai de rentrer en essayant de chasser cette question de ma tête et de mon cœur, mais je savais qu'elle s'y était plantée et n'en sortirait plus...

Pourtant, tout était contraire à ma vision des choses, l'amour de la campagne en particulier, et voilà que c'était la ville qui devenait le lieu de mon appel, cette ville qui m'avait paru - et me paraîtra longtemps encore - ou artificielle, ou violente et hostile...

Pendant mes années de formation, j'occupais une chambre donnant sur une verrière. Pas un arbre pour observer les saisons... Dieu peut-il nous conduire en un lieu aussi 'contraire' sans nous soutenir de sa fidélité ?

Au gré des changements d'une vie consacrée, je me retrouvai dans la même banlieue. Par curiosité, je remontai sur 'ma passerelle', mais je ne vis qu'un énorme tas de ferraille qui brillait de tous ses feux...Ce n'était plus la ville aux mille lumières qui m'avait tant impressionnée et émue. Pas de voix non plus, mais la certitude d'être là où on doit être.

Dieu était fidèle.

Si la ville avait été le lieu de mon appel, elle devint aussi mystérieusement le lieu de ma prière et de mon union à Dieu. Se promener seule et anonymement parmi ces foules renouvelait l'appel urgent à se donner.

Chaque Vendredi Saint, j'avais pris l'habitude de partir un peu au hasard et le chemin de Jésus se dessinait en filigrane au fur et à mesure que j'avançais : la foule pressée et fatiguée aux caisses d'un super-marché, parfois prête à l'injure pour celui qui 'grillait' une place dans la queue, un kleenex passé discrètement à un enfant en larmes, la monnaie qu'on tire discrètement de sa poche pour faire l'appoint à un voisin dans l'embarras, la poussette d'un enfant ou un cabas débordant qu'on aide à hisser dans le tramway, une place laissée à une personne âgée...  « Dieu était là et je ne le savais pas » et eux non plus ne savaient pas.

Ma route se terminait en général dans une église, à un carrefour près d'un marché. Des femmes entraient avec leur sac à provisions, s'arrêtaient un moment, faisaient le tour des statues... Un jour, l'une d'elles, une tamoule, tira d'un bouquet dépassant de son sac une fleur coupée qu'elle déposa sur l'autel : « pour Lui » me dit-elle en confidence en me montrant la Croix, et elle s'inclina à plusieurs reprises, puis elle partit ; une autre arriva avec son caddy et s'assit lourdement au premier rang, peut-être une ancienne maraîchère du quartier ? « Une si jolie fleur, sans eau, les gens n'ont pas d'idée ! » Elle la planta résolument dans un vase qui se trouvait là avec un bouquet plus modeste.

Ainsi se déroulait sous mes yeux la Rédemption en de multiples gestes de gens qui ignoraient sans doute les termes du mystère du salut. Le soir, la célébration de la Croix en la chapelle de l'Etoile, avec quelques chrétiens qui 'savaient', prenait toute sa signification... Ils portaient ainsi tout un peuple que Dieu s'était choisi et au milieu duquel son Fils travaillait - mystérieusement. Et nous étions appelés à collaborer à son service.

Marie-Dominique Bauchau, sfx.

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