Comment a germé en vous le désir d’être consacrée ? Dans quelles circonstances concrètes ? Quel événement a joué un rôle déterminant ? Quelle personne ? Quelle figure ?
Le temps de préparation à ma première communion, dans notre paroisse, a été un moment très heureux. Et tout s’est passé ce jour-là, je venais d’avoir 7 ans. Après le déjeuner familial j’ai été poussée à servir le café à une de mes grands-mères, j’ai senti que je lui ferais plaisir et intérieurement j’ai entendu un appel : « Toute ta vie, comme tu le fais maintenant, je te demanderai de servir ». Et je savais que Dieu serait avec moi. Tout m’a été demandé ce jour-là et tout m’a été donné, avec la certitude d’être aimée de Dieu et dans une paix qui m’habite toujours.
Quel souvenir avez-vous de votre consécration ?
Le jour où le Seigneur m’a consacrée est celui de ma première communion. Faut-il ajouter autre chose ? Alors une seconde étape : le moment où, étudiante, j’ai redit oui à ce don total. C’était au cours d’une retraite et je me souviens encore du tronc d’arbre sur lequel j’étais assise, dans une maison de franciscains, et qui fut témoin du renoncement qui m’était demandé. Une troisième étape : l’accueil dans ce qui devenait ma communauté, sœurs si différentes les unes des autres, mais mystérieusement unies par une même vocation.
Si vous n’aviez à garder qu’un moment marquant de votre vie apostolique quel serait-il ?
Je choisis une rencontre exceptionnelle dans le désert du Niger, à la Mission, aux portes du camp touareg : grande beauté, simplicité absolue, hommes et femmes qui ne se connaissaient pas et nous nous sommes « re-connus », habités par le même amour du Christ, la même soif de le faire connaître et aimer. Nous étions « frères » au sens le plus fort du terme. L’Église était là, vivante. Que certains soient en mission aux confins du désert, en terre musulmane, que d’autres vivent leur vie de consacrés au milieu des jeunes, dans l’éducation, c’est la même mission et cela donne à nos existences, incarnées et donc limitées, comme celle du Christ à Nazareth, une dimension universelle. C’est une joie qui dilate le cœur et dure.
Qu’est-ce qui vous procure le plus de joie dans votre vie de consacrée ?
Le cœur de ma vie d’apôtre se situe dans les rencontres innombrables qu’il m’est donné de faire : écoute et dialogue avec les jeunes, échanges avec collaborateurs et parents, partages et conversations spirituelles. Un Autre parfois s’invite, sa présence peut être palpable. Là est la joie, lorsqu’il marche avec nous, nous fait avancer et que nous nous quittons mutuellement encouragés, éclairés, vivifiés, évangélisés.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre vie apostolique ?
Ma vie en pleine pâte humaine, au milieu d’élèves et de professeurs, de parents, dans un lycée catholique, rencontre les mêmes lourdeurs, combats, difficultés que mes collègues. Notre mission est passionnante, elle est lourde et demande discernement, disponibilité et force intérieure. Mais, comme consacrée, je la vis autrement sans doute. Je suis « dans le monde sans être du monde », je suis « aux affaires du Père », avec au cœur le grand désir que le Christ soit connu et aimé, la volonté du Père faite.
Quelle recommandation donneriez-vous à un lycéen/étudiant qui commence sa journée ?
Dès le réveil tourner son regard et son cœur vers le Seigneur : offrande, louange, cri de supplication ou d’amour ; se souvenir que « Dieu a besoin des hommes » et se nourrir pour la journée d’une courte parole biblique. Puis prendre un vrai petit déjeuner !
Est-ce plus difficile aujourd’hui qu’hier, pour un jeune, de se décider à donner sa vie au Seigneur ?
Silence et intériorité, expérience du don de soi et de la joie qu’il apporte, discernement et force pour prendre une décision : bien des jeunes l’expérimentent, qui partent au bout du monde, pour un été, une année ou plus, mais l’air ambiant de notre société détourne certains d’entre eux d’un renoncement « pour toujours » que comporte toute réponse à consacrer sa vie au Seigneur. On aimerait aider les jeunes à goûter un engagement pour la vie, il y en a qui y aspirent.
Avez-vous un saint ou un modèle qui vous inspire ?
Des paroles entendues, des paroles lues, voilà ce qui a sur moi une véritable influence. Je dois beaucoup à S. Vincent de Paul : « Qui manque à la vie intérieure manque à tout », à Claudel, à Thérèse de Lisieux, à Catherine de Sienne : « Fais-toi capacité, je me ferai torrent ». Mais aussi à Thérèse d’Avila, Ignace de Loyola, le Père Ceyrac, Charles de Foucauld…
Article publié dans la revue Vocation des diocèses d'Ile de France (mai 2012).