Témoignage de Marguerite Cristofoli
Dès les premiers jours de septembre 1944, mon père a dit : « Je vais aller voir si nous pouvons rentrer »
Rentrer ?
Oui, parce que nous étions partis dans le courant du mois de juin. Nous avions fui les bombardements intenses en terre normande, l’affrontement de la bataille, le désarroi général, la panique, et il fallait protéger la future mère, ma sœur, et le bébé à naître.
Après avoir emprunté plusieurs moyens de locomotion, mon père et moi, sommes arrivés « chez nous » où nous attendent des murs éventrés, des fenêtres aux yeux crevés, un toit effondré. Symboliquement, pour reprendre possession de la maison, nous parcourons toutes les pièces, parlant à voix basse, peut-être même, marchant sur la pointe des pieds. Il ne faut pas réveiller l’ombre de ceux qui sont morts ici, ni faire surgir le spectre de tous ceux qui mourront demain, plus loin, dans l’impitoyable bataille.